dimanche 11 novembre 2012

Un havre de paix

Je quitte le Jharkhand pour un long voyage de... 36h : après un dernier tour avec mes deux sacs à dos à l'arrière de la moto de Birendra, il me dépose à la gare routière d'Hazaribagh. En route pour 3h de bus, jusqu'à la gare de Koderma où je finis par trouver une minuscule pièce qui sert de salle d'attente pour les femmes, au milieu d'un quai. 


Le train est très en retard. J'embarque donc au milieu de la nuit en « sleeping class », wagons de couchettes pour les classes moyennes. Je suis sur liste d'attente, donc je m'assois sur un petit bout de banquette au milieu des gens endormis... Plus tard, un jeune vient me dire qu'il y a de la place sur une couchette en hauteur plus loin, où je m'installe avec tout mon barda. Il doit être 3h du matin ! Deux heures et demie plus tard, c'est déjà le matin pour les Indiens qui partagent mon wagon... Le jeune qui m'a proposé la couchette a la bonne idée de me réveiller et s'incruste à côté de moi. Il n'y reste pas longtemps : je crois que ma mauvaise humeur l'a refroidi ; il faut pas me réveiller si tôt le matin !
La journée se passe juchée en tailleur sur ma banquette, où j'avale la pensée de Gandhi avec délectation. Mais impossible de profiter du paysage d'où je suis... seule vue sur le couloir du train où continuent à se succéder des marchands et mendiants en tous genres. Et aussi des travestis aux manières très caricaturalement aguicheuses qui tapent l'épaule des hommes ou frappent dans leurs mains pour demander la pièce.

Plus tard dans la soirée, je suis obligée de changer de couchette car une personne a réservé celle où je suis installée. C'est en déménageant que je me rends compte que mes chaussures, laissées au pied des couchettes, ont disparu. Adieu jolies baskets ! (achetées juste avant de partir, tout comme mon portable que j'ai perdu dans un autre train). Cela me donne une bonne occasion de communiquer avec les gens du wagon qui se plient en 4 (au sens propre et figuré) pour m'aider à les retrouver entre les valises et sacs de toutes sortes. Mais je pense que celui qui me les a prises n'a pas pris la peine de laisser sa carte de visite...
Finalement, le contrôleur m'attribue une vraie banquette au rez-de-chaussée près d'une fenêtre. Mais il fait à nouveau nuit, je ne vois rien du dehors. Plusieurs biscuits et tchaïs plus tard, nous arrivons à Haridwar au petit matin avec 3h de retard. Pas mécontente de me dégourdir les jambes... en sandales cette fois !
L'ashram où je débarque est un véritable havre de paix, aussi calme, propre, luxuriant et coloré que l'Inde peut être bruyante, sale, polluée et poussiéreuse parfois... euh... souvent. J'y passe une petite semaine, non sans avoir hésité à y rester tant l'atmosphère religieuse, hindoue, est intimidante à certains moments. La « gouroue » est une Allemande, arrivée en Inde il y a 40 ans (années hippies), et qui a fini par hériter de ce lieu créé par un swami dont la statue trône dans un petit temple en haut du jardin. Les gens qui sont ici sont tous des Occidentaux, dans les mêmes âges que moi, ou plus jeunes, qui viennent s'initier ici aux parfums de l'Inde spirituelle dans le prolongement de leur pratique du yoga ou de leur quête existentielle. On appelle cela du "tourisme spirituel". Mais pas si artificiel que cela... Mais pas d'autres résidents permanents que la famille de la gouroue. 
Comme dans tout ashram, le rythme de vie collective y est bien marqué, mais la participation aux différentes activités est assez souple. Lever 4h30, 5h chants et mantras autour du feu, 6h thé, 7h-9h hasana yoga (je découvre des postures improbables et des muscles inconnus). Puis le petit-déjeuner (enfin !) et le « karma yoga » (tâches domestiques). Le déjeuner est en silence et suivi de temps libre. L'après-midi se termine par 2h de conférence sur la Bagavad Gita (les commentaires de ce texte fondateur de l'hindouisme m'apportent des éclairages utiles sur des aspects déstabilisants de cette religion). Ensuite vient le dîner, un temps de cérémonie autour du feu et de la statue du Swami (dont je m'abstrais discrètement), et la méditation autour de la bougie. Et les moustiques autour de nous, véritable épreuve pour méditer !
Le Gange est ici, au Nord, magnifique ! Rien à voir avec Varanasi ! Après avoir traversé une jolie forêt où on peut, paraît-il, croiser quelques fois des éléphants, on arrive sur les bords du fleuve et là, la paix des lieux me saisit littéralement. Un sable étincelant, une eau transparente, son bruit est une caresse aux oreilles, et bien sûr... elle est presque chaude ! 
Même si, ici comme ailleurs en Inde, il y a toujours un léger filtre grisâtre sur chaque paysage... La pollution rôde toujours, pernicieusement fondue dans l'air empoussiéré. Nous nous baignons habillées, plus loin des Indiens ramassent du sable que leurs chevaux emportent.
Une petite ballade le long du fleuve nous fait cotoyer une émouvante tranquillité. Haridwar est un lieu de pélerinage (encore un !), ce qui marque l'esprit des lieux : des regards particulièrement bienveillants sur le bord du chemin, un sadhou insiste même pour nous offrir au passage le peu qu'il tient dans le creux de sa main : quelques piécettes, une lame de rasoir, un ou deux bonbons. Cela nous touche, nous qui passons notre temps à refuser de donner aux mendiants...
Dans l'ashram, il y a des chats, des chiens et aussi deux singes tenus au bout de longues laisses dans les arbres du jardin. Leur espèce est particulière, ils permettent de garder à distance les autres singes de la forêt qui pourraient venir faire des dégâts. En attendant, les dégâts sont faits par la femelle qui a réussi à ronger sa corde cette nuit et qu'on a retrouvée juchée sur la tête de la statue du Swami. Aucun respect, ces primates :-) !
Une escapade à Haridwar m'emmène dans des ambiances autrement plus familiales et populaires, même si on n'est jamais à l'abri de tomber sur un ascète presque nu tout recouvert d'argile ou de poussière blanche, installé au pied d'un arbre. 
Il y a foule car ce soir il y a une belle « puja » sur les bords du Gange, et la fête de Diwali se prépare, ça se voit ! 
Je m'assois avec tout le monde et regarde les enfants aux yeux bordés de noir, les rituels pour déposer les bougies sur l'eau, les baignades sur le quai d'en face, et puis tous ces gestes et acclamations repris par la foule suite aux invitations des hauts-parleurs. Des enfants circulent dans la foule tenant de grandes flammes dont les gens s'« aspergent » de leurs mains. 
J'aime cette façon de rendre hommage aux éléments de l'eau et du feu, ensemble, qui se mélangent à la surface du Gange.

2 commentaires:

  1. c'est très frais , j'aime beaucoup ce récit

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  2. arrivtrée par hasard sur votre site, je trouve votre histoire dépaysante... très agréable

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