mercredi 9 janvier 2013

Je ne dirai plus « les »

Un texte fortement inspiré du surcroît de complexité qu'a apporté l'Inde dans ma vision de la société-monde.

En 2013, je ne dirai plus « les ». 

« Les », article pluriel défini.
Je ne veux plus définir LES gens. Ni LES Français ni LES étrangers, ni LES Américains, ni LES riches ni LES pauvres, ni LES chrétiens ni LES musulmans ni LES athées, ni LES hétérosexuels ni LES homosexuels, ni LES hommes ni LES femmes, ni LES médias, LES capitalistes, LES socialistes, ni même LES politiques, ni LES bons et LES méchants, et surtout pas LES personnes « lambda ».
 
Je ne veux plus voir et juger des pluriels massifs, mais reconnaître et comprendre le singulier subtil.



« LES » englobe, enferme, amalgame, stigmatise. « LES » a forcément toujours tort.
Si je dis « LES ceux-ci sont cela », je sur-définis Ceux-ci (ceux que l'on désigne ainsi se reconnaissent-ils en ce nom ? Souhaite-t-on vraiment parler de l'ensemble des individus de ce groupe ?), et je leur acolle un cela péremptoire (les connaît-on tous pour tous les définir ainsi ? Prend-on une minorité pour une majorité, ou une majorité pour une unanimité ?).

Mes ami-e-s, reprenez-moi quand je dirai « LES ».
Et si je truche en disant à la place « la plupart », demandez-moi fermement des preuves. Demandez-moi de parler de ceux que je connais plutôt que de ceux dont d'autres me parlent avec des « LES ». Empêchez-moi d'enfermer les gens dans des « LES ». Nommer et définir un groupe de gens pour LES juger revient à LES communautariser, et plus je les communautariserai, plus ils se communautariseront en retour pour se défendre.

« LES » nie l'hétérogénéité des groupes et l'identité complexe ou les identités multiples de chacun-e.
« LES » oublie toutes ces exceptions de la société que nous sommes tous un peu, jamais seulement de telle origine nationale ou sociale, de telle culte ou culture, de telle couleur de peau ou politique.
« LES » cache ces individus à l'histoire compliquée, ces personnes à contre-courant, ces gens aux croisements, ces insolites, ceux qui ne veulent pas s'aligner dans un rang pour toujours, ceux qui cherchent la vérité sur tous les chemins.

Gardez-moi de tous les « LES ».
Car nous sommes tous dans le « LES » d'autres gens, ceux qui nous collent sur la tête une étiquette tellement grande qu'on ne distingue plus le particulier de notre regard, notre propre nuance, nos propres motions, émotions et motivations.

« LES » nous empêche de nous appuyer sur nos originalités pour créer du neuf, de nouveaux « NOUS ».

Oui, il y a des cultures, des communautés, des classes sociales, des identités collectives fortes. Mais ce sont à elles de se définir, collectivement, pas à moi.

Alors mes ami-e-s, empêchez-moi de croire celui qui parle le plus fort au nom d'un groupe. Et s'il parlait fort parce que tous les micros ne se tendaient que vers lui ? Et s'il parlait fort justement parce qu'il se sent en minorité ? Et s'il parlait si fort pour se convaincre lui-même ?
Car celui qui a raison se contente souvent, en silence, de sa sincérité.

Empêchez-moi de croire celui qui parle sans mandat au nom d'autres, les prenant en otage dans un NOUS asphyxiant. Aidez-moi à permettre à chacun-e de s'exprimer pour s'assumer ou non dans ce NOUS.
Et empêchez-moi, moi aussi, de parler trop fort au nom de ceux que je croirais représenter : si je donne l'impression de tendre mon drapeau, proposez-moi à la place le vôtre, ou tendez-moi simplement votre main.

Et aussi, par notre amitié, inventons et faisons vivre notre NOUS à nous, autour de ce que nous aimons ensemble, sans jamais essayer de définir ou de figer ce NOUS pour que jamais personne ne le prenne pour un « LES ». 

Pour qu'il y ait plein de jolis petits NOUS, tout partout, plutôt que de gros LES laids : 

Heureuse année 2013 à tou-te-s et à chacun-e d'entre NOUS !


2 points reliés pour faire la relation de base du NOUS
0
pour entourer notre NOUS, à deux, trois ou plus
1
pour la singularité et la personnalité que chacun-e apporte au NOUS
3
pour que toute relation soit toujours ouverte à un tiers et à Celui qui NOUS relie tous 

Magali

2 commentaires:

  1. elle me plait bien cette magali, le les serait laid, sans doute, comme on met tout le monde dans un même panier;
    Je garde ce blog sur lequel je suis tombée par hasard, en tapant "foule art argile" dans google!!

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  2. Bravo et merci pour ce très beau texte !
    Jacques

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