dimanche 14 octobre 2012

Et le bio dans tout ça ?


Après le dispensaire de brousse d'Hemalkasa, nous reprenons les routes de campagne vers Somnath, une autre « dépendance » d'Anandwan (cf articles des jours précédents). Ce centre-ci est un lieu de verdure de 500 hectares destinés surtout à l'agriculture et à l'élevage, permettant l'insertion de personnes abîmées par la lèpre et la production de la nourriture principale pour le site principal d'Anandwan. 
Tout un système d'irrigation a été mis en place avec 27 bassins d'eau. Ils vendent ainsi de nombreux légumes et poissons et leur surface est destinée pour moitié à la culture du riz. Le lieu est aussi une sorte d'école d'application agricole ; chaque année 1 000 étudiants viennent suivre un séminaire sur les  techniques agricoles et ils proposent même des cours pratiques de rattrapage pour ceux qui ratent leur diplôme. Le site fait vivre et travailler 450 familles, avec en moyenne un enfant, plus une centaine de salariés pour les travaux les plus difficiles. 
Gandhi était contre l'utilisation du tracteur, ayant vu dans la mécanisation le danger de la course à la productivité au détriment du travail au rythme de l'homme. Mais Baba Amte, fondateur d'Anandwan et de Somnath, l'a accepté dans le cas particulier de ses centres car il considérait le travail direct de la terre trop difficile pour les personnes handicapées par la lèpre.  Mais comme il est rare que les lieux d'Anandwan soient monocentrés, Somnath accueille aussi des séminaires de méditation Vipassanna, une technique spécifique de méditation, basée sur la concentration intérieure, héritée du bouddhisme originel.
Alors que nous nous promenons sur le site, au milieu des odeurs de menthe, de frangipanier, de feu de bois et d'une sorte de chèvrefeuille, notre guide nous raconte comment Vikas, fils de Baba Amte, s'était retrouvé nez à nez avec un tigre alors qu'il baladait un groupe de visiteurs comme nous aujourd'hui. Louis se souvient aussi de l'histoire de 4 femmes du coin dévorées par un tigre il y a quelques années de cela. Mais ce sont surtout les singes que nous rencontrons ici ; on ne se lasse pas de les regarder... Quatre immenses ruches sauvages sont également installées dans l'arbre qui pousse juste devant la maison qui nous accueille ; impossible le soir de sortir à cause des abeilles, nous nous échappons discrètement pour dîner par la porte de derrière...
Une grande partie du site est resté vierge, peu exploitable, et cela permet de trouver dans cette jungle notamment l'humus et les feuilles qui servent d'engrais aux cultures. Nous profitons d'une dernière discussion avec un responsable du centre pour aborder un des sujets sensibles qui habite nos conversations depuis la visite d'Anandwan : et le bio, alors ? Notre interlocuteur a l'air personnellement très intéressé par le sujet et assure que tous ceux ici qui font du jardinage devant leurs maisons le font au naturel, mais il faut faire avec certaines contraintes de production. Ainsi actuellement fumier et fertilisants non naturels se complètent, mais ils devraient passer au naturel total d'ici 3 ans. Quant au coton, ils sont actuellement en expérimentation avec du coton BT (transgénique), pour prouver aux étudiants du site, formés aux standards de l'agriculture classique, par comparaison, sa moindre efficacité par rapport aux semences traditionnelles. Il paraît que l'expérience est concluante. Ici comme chez nous en France, les nouvelles générations de cultivateurs sont plus sensibles aux enjeux écologiques, et cela donne lieu à des conflits intergénérationnels au sein même des familles. Mais encore faut-il que les arguments écologiques arrivent à passer devant les contraintes, réelles ou supposées, de la production économique. A Anandwan, cela dépendra de la petite-fille de Baba Amte qui a en responsabilité la partie agricole du centre.
Notre tour des sites d'Anandwan est terminé, c'est reparti pour quelques heures de taxi, puis une nuit de train, jusqu'à Mathura.

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