Après le dispensaire de brousse
d'Hemalkasa, nous reprenons les routes de campagne vers Somnath, une autre
« dépendance » d'Anandwan (cf articles des jours précédents). Ce
centre-ci est un lieu de verdure de 500 hectares destinés surtout à
l'agriculture et à l'élevage, permettant l'insertion de personnes abîmées par
la lèpre et la production de la nourriture principale pour le site principal
d'Anandwan.
Gandhi était contre l'utilisation du tracteur, ayant vu dans la mécanisation le
danger de la course à la productivité au détriment du travail au rythme de
l'homme. Mais Baba Amte, fondateur d'Anandwan et de Somnath, l'a accepté dans
le cas particulier de ses centres car il considérait le travail direct de la
terre trop difficile pour les personnes handicapées par la lèpre. Mais comme il est rare que les lieux
d'Anandwan soient monocentrés, Somnath accueille aussi des séminaires de
méditation Vipassanna, une technique spécifique de méditation, basée sur la
concentration intérieure, héritée du bouddhisme originel.
Alors que nous nous promenons sur le
site, au milieu des odeurs de menthe, de frangipanier, de feu de bois et d'une
sorte de chèvrefeuille, notre guide nous raconte comment Vikas, fils de Baba
Amte, s'était retrouvé nez à nez avec un tigre alors qu'il baladait un groupe
de visiteurs comme nous aujourd'hui. Louis se souvient aussi de l'histoire de 4
femmes du coin dévorées par un tigre il y a quelques années de cela. Mais ce sont
surtout les singes que nous rencontrons ici ; on ne se lasse pas de les
regarder... Quatre immenses ruches sauvages sont également installées dans
l'arbre qui pousse juste devant la maison qui nous accueille ; impossible le
soir de sortir à cause des abeilles, nous nous échappons discrètement pour
dîner par la porte de derrière...
Une grande partie du site est resté
vierge, peu exploitable, et cela permet de trouver dans cette jungle notamment
l'humus et les feuilles qui servent d'engrais aux cultures. Nous profitons
d'une dernière discussion avec un responsable du centre pour aborder un des
sujets sensibles qui habite nos conversations depuis la visite
d'Anandwan : et le bio, alors ? Notre interlocuteur a l'air
personnellement très intéressé par le sujet et assure que tous ceux ici qui
font du jardinage devant leurs maisons le font au naturel, mais il faut faire
avec certaines contraintes de production. Ainsi actuellement fumier et
fertilisants non naturels se complètent, mais ils devraient passer au naturel
total d'ici 3 ans. Quant au coton, ils sont actuellement en expérimentation
avec du coton BT (transgénique), pour prouver aux étudiants du site, formés aux
standards de l'agriculture classique, par comparaison, sa moindre efficacité
par rapport aux semences traditionnelles. Il paraît que l'expérience est
concluante. Ici comme chez nous en France, les nouvelles générations de
cultivateurs sont plus sensibles aux enjeux écologiques, et cela donne lieu à
des conflits intergénérationnels au sein même des familles. Mais encore faut-il
que les arguments écologiques arrivent à passer devant les contraintes, réelles
ou supposées, de la production économique. A Anandwan, cela dépendra de la
petite-fille de Baba Amte qui a en responsabilité la partie agricole du centre.
Notre tour des sites d'Anandwan est
terminé, c'est reparti pour quelques heures de taxi, puis une nuit de train,
jusqu'à Mathura.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire