A Varanasi / Bénarès, il faut avoir le nez en l'air tout en faisant attention où l'on met les pieds... mais il y a des points de vue qui méritent le détour...
Et ne t'avise pas de regarder dans les yeux celui qui vient d'acquérir une banane pour lui tout seul. A l'hôtel, depuis deux jours, ils sont d'une humeur particulièrement massacrante et on les entend sauter sur le toit en tôle devant notre fenêtre. Au matin, ils provoquent Isabelle à travers la vitre et font montre de leurs plus belles grimaces menaçantes. La terrasse de notre hôtel est un lieu parfait pour observer leurs allées et venues, leurs hésitations pour sauter d'un toit à l'autre, ceux qui contournent les obstacles, les intrépides, les glissades contrôlées. Les petits qui s'accrochent sous leur mère et se détachent dès que le sol est plus sûr. En tout cas là-haut ils sont peinards ; le seul que j'ai vu vraiment par terre dans la rue était mort, orné respectueusement d'une guirlande de fleurs orange.
Mais
la vue sur les toits de Varanasi est bien plus que cela. A l'image de
beaucoup de villes anciennes et étriquées du Sud, les terrasses des
maisons sont de vrais lieux de vie : on y voit les gens
dormir, faire leur yoga, se brosser les dents, laver les marmites.
C'est aussi une vraie cour de récréation. Après l'école, avant la
tombée de la nuit, j'assiste au spectacle magique de dizaines
d'enfants et d'adolescents faisant danser dans le ciel des
cerfs-volants de toutes les couleurs. Échappatoire universel pour
les enfances des villes aux ruelles trop encombrées de marchands,
animaux, ordures et véhicules en tous genres. C'est tellement mieux
de regarder vers le ciel, là où les fumées des crémations et des
encens montent sans discontinuer.
C'est
dans ces rues achalandées que nous ne pouvons manquer d'assister à
la fête de la Durga. C'est une divinité hindoue effrayante
représentée avec pas mal de bras, d'accessoires, et assises sur un
lion féroce. Mais la fête de la Durga est bien plus qu'une fête
religieuse, c'est en somme le mélange de la Semaine sainte en
Espagne, d'Halloween, de la Technoparade et d'un carnaval
folklorique. Les hindous font de la Durga des statues les plus
chatoyantes possibles et les font trôner dans les différents
quartiers de la ville dans des décorums lumineux sous des chapiteaux
montés pour l'occasion. Et c'est une musique folklorico-techno qui
couronne le tout à toute berzingue. Ils bouchent aussi l'entrée
des ruelles avec des grosses installations en plâtre affreux
surmontées d'effigies terrifiantes (dragon, tête de mort,
zombie...).
On voit les gens faire la queue pour entrer dans des lieux
d'attraction fantomatique ou d'adoration rituelle mystérieux. Nous
assistons aux derniers jours du festival, à la procession de toutes
les Durga de la région qui viennent finir leur vie dans le Gange
dans une ambiance faite de rites, de danses endiablées, de barbes à
papa et de photos de touristes.
Inutile de vous dire les
embouteillages ainsi générés, mais qui ne manquent pas de charme
quand on les vit depuis un vélo-rickshaw, un peu en hauteur, en
passant sous les arcades de guirlandes lumineuses de toutes les
couleurs. « On se croirait dans un flipper », résume
Joseph. Du soir au matin se succèdent chants religieux, musique
« boum boum », cloches et musiques traditionnelles,
klaxons et aboiements des chiens, plus les appels à la prière qui
se font écho de minaret en minaret.
Pendant
la petite semaine ici, nous avons donc rencontré des gens très
différents. Le sadhou qui parle français, celui que Joseph a
soulagé de maux de genoux par acupressure, et un autre qui était
trop stone pour nous calculer. Raju et Abdoul, les collaborateurs
marchands de soies (l'un hindou, l'autre musulman). Raju qui nous a
invité dans sa famille, « my friends », pour déguster
le repas de la plus belle et la meilleure cuisinière des femmes de
Bénarès. Un moine « swami ». Sans compter tous les
chauffeurs de rickshaws et de bateaux, rabatteurs, guides et
marchands du pire comme du meilleur. Nombreux, ils restent cependant
sympathiques et fair-play, il suffit d'avoir le bon mot pour qu'ils
n'insistent pas.
Beaucoup
de touristes viennent voir Bénarès par curiosité culturelle, pour
l'ambiance spirituelle ou pour les odeurs de fumées en tous genres.
Et pourtant il semble que la ferveur sacrée et populaire de cette
ville ne puisse jamais céder à la manne touristique et garder son
authenticité et sa vigueur indienne. Varanasi échappera, c'est sûr,
à toute entreprise de muséification tant que les morts y
brûleront, les singes et les vaches y régneront et que les Durga y
danseront.
Merci Magali pour ce parfum de voyages...
RépondreSupprimerAlain HUNEAU
RépondreSupprimerBravo Magali et bon courage pour ton périple
Une excellente façon de nous faire voyager et découvrir ces terres lointaines