jeudi 25 octobre 2012

Vie des ruelles et vie des toits

A Varanasi / Bénarès, il faut avoir le nez en l'air tout en faisant attention où l'on met les pieds... mais il y a des points de vue qui méritent le détour...
Dans la cour du restaurant népalais où nous aimons manger (de la nourriture occidentale pour reposer notre estomac), je n'en finis pas de m'amuser à regarder les singes qui font tout pour chiper ce qui traîne de comestible. Et vas-y que je me balance, rentre dans les poubelles, arrache les branches des arbustes. Et vlan ! tout à coup c'est un grand pot de terre qu'ils fracassent par terre. 
Et ne t'avise pas de regarder dans les yeux celui qui vient d'acquérir une banane pour lui tout seul. A l'hôtel, depuis deux jours, ils sont d'une humeur particulièrement massacrante et on les entend sauter sur le toit en tôle devant notre fenêtre. Au matin, ils provoquent Isabelle à travers la vitre et font montre de leurs plus belles grimaces menaçantes. La terrasse de notre hôtel est un lieu parfait pour observer leurs allées et venues, leurs hésitations pour sauter d'un toit à l'autre, ceux qui contournent les obstacles, les intrépides, les glissades contrôlées. Les petits qui s'accrochent sous leur mère et se détachent dès que le sol est plus sûr. En tout cas là-haut ils sont peinards ; le seul que j'ai vu vraiment par terre dans la rue était mort, orné respectueusement d'une guirlande de fleurs orange.
Mais la vue sur les toits de Varanasi est bien plus que cela. A l'image de beaucoup de villes anciennes et étriquées du Sud, les terrasses des maisons sont de vrais lieux de vie : on y voit les gens dormir, faire leur yoga, se brosser les dents, laver les marmites. C'est aussi une vraie cour de récréation. Après l'école, avant la tombée de la nuit, j'assiste au spectacle magique de dizaines d'enfants et d'adolescents faisant danser dans le ciel des cerfs-volants de toutes les couleurs. Échappatoire universel pour les enfances des villes aux ruelles trop encombrées de marchands, animaux, ordures et véhicules en tous genres. C'est tellement mieux de regarder vers le ciel, là où les fumées des crémations et des encens montent sans discontinuer.
C'est dans ces rues achalandées que nous ne pouvons manquer d'assister à la fête de la Durga. C'est une divinité hindoue effrayante représentée avec pas mal de bras, d'accessoires, et assises sur un lion féroce. Mais la fête de la Durga est bien plus qu'une fête religieuse, c'est en somme le mélange de la Semaine sainte en Espagne, d'Halloween, de la Technoparade et d'un carnaval folklorique. Les hindous font de la Durga des statues les plus chatoyantes possibles et les font trôner dans les différents quartiers de la ville dans des décorums lumineux sous des chapiteaux montés pour l'occasion. Et c'est une musique folklorico-techno qui couronne le tout à toute berzingue. Ils bouchent aussi l'entrée des ruelles avec des grosses installations en plâtre affreux surmontées d'effigies terrifiantes (dragon, tête de mort, zombie...). 
On voit les gens faire la queue pour entrer dans des lieux d'attraction fantomatique ou d'adoration rituelle mystérieux. Nous assistons aux derniers jours du festival, à la procession de toutes les Durga de la région qui viennent finir leur vie dans le Gange dans une ambiance faite de rites, de danses endiablées, de barbes à papa et de photos de touristes. 
Inutile de vous dire les embouteillages ainsi générés, mais qui ne manquent pas de charme quand on les vit depuis un vélo-rickshaw, un peu en hauteur, en passant sous les arcades de guirlandes lumineuses de toutes les couleurs. « On se croirait dans un flipper », résume Joseph. Du soir au matin se succèdent chants religieux, musique « boum boum », cloches et musiques traditionnelles, klaxons et aboiements des chiens, plus les appels à la prière qui se font écho de minaret en minaret.
Pendant la petite semaine ici, nous avons donc rencontré des gens très différents. Le sadhou qui parle français, celui que Joseph a soulagé de maux de genoux par acupressure, et un autre qui était trop stone pour nous calculer. Raju et Abdoul, les collaborateurs marchands de soies (l'un hindou, l'autre musulman). Raju qui nous a invité dans sa famille, « my friends », pour déguster le repas de la plus belle et la meilleure cuisinière des femmes de Bénarès. Un moine « swami ». Sans compter tous les chauffeurs de rickshaws et de bateaux, rabatteurs, guides et marchands du pire comme du meilleur. Nombreux, ils restent cependant sympathiques et fair-play, il suffit d'avoir le bon mot pour qu'ils n'insistent pas. 
Beaucoup de touristes viennent voir Bénarès par curiosité culturelle, pour l'ambiance spirituelle ou pour les odeurs de fumées en tous genres. Et pourtant il semble que la ferveur sacrée et populaire de cette ville ne puisse jamais céder à la manne touristique et garder son authenticité et sa vigueur indienne. Varanasi échappera, c'est sûr, à toute entreprise de muséification tant que les morts y brûleront, les singes et les vaches y régneront et que les Durga y danseront.

2 commentaires:

  1. Merci Magali pour ce parfum de voyages...

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  2. Alain HUNEAU

    Bravo Magali et bon courage pour ton périple

    Une excellente façon de nous faire voyager et découvrir ces terres lointaines

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