Dimanche après-midi, nous nous
échappons du colloque pour aller à Sevagram, le dernier ashram
fondé par Gandhi en 1936. A la base un ashram est un lieu
communautaire, petit village, créé autour d'une personnalité, par
exemple un guide spirituel (“guru”). Un des principes
fondamentaux des ashrams gandhiens est l'autosuffisance alimentaire
et économique : élevage de chèvres, culture de blé, riz, légumes,
coton, filage et tissage. L'idée étant aussi de cultiver une vie la
plus simple possible en réduisant ses besoins au maximum.
Au milieu de l'ashram broute une
vache, tandis que des chauve-souris grosses comme des lapins sont
suspendues dans l'arbre au-dessus de nos têtes.
Louis et Joseph en profitent
pour nous donner quelques fondamentaux de la philosophie du Mahatma
Gandhi (je ferai un article spécialement sur cela), qui a le grand
avantage de proposer une vision holistique d'un monde idéal combiant
(avec mes mots) la justice politique, la paix et la solidarité
sociale, l'équilibre économique et écologique et l'épanouissement
personnel et spirituel selon les grandes valeurs universelles telles
que celles du fronton des mairies françaises.
Alors que nous observons les
allées et venues des touristes et groupes scolaires indiens (pas de
touristes étrangers ici), des bruits attirent notre attention dans
la rue : une vingtaine de manifestants gandhiens (on les reconnaît à
leurs vêtements blancs et slogans) font brûler sur la route des
emballages symbolisant de grandes marques internationales. Ils nous
expliquent que c'est pour dénoncer l'invasion des compagnies
étrangères en Inde. Cette forme d'expression (fondamentalement non
violente faut-il le rappeler) est directement calquée sur les
manifestations organisées par Gandhi contre les produits coloniaux
britanniques, qu'il faisait également brûler sur la place publique
(cf ci-dessous une maquette de ces actions). Il n'y a pas plus de
raisons aujourd'hui d'importer de l'étranger des produits pouvant
être fabriqués en Inde, que pour les vêtements en coton il y a un
siècle. Gandhi lutterait certainement aujourd'hui contre le
néocolonialisme des grandes multinationales, pas si différent sur
ses effets, ni sur ses motivations, que le colonialisme « old
school ».
Du temps de Gandhi |
...aujourd'hui |
La visite d'un petit musée
consacré à Gandhi nous éclaire sur le destin de ce grand homme. Ce
qui me frappe c'est à quel point il s'est transformé au fur et à
mesure de ses expériences en Angleterre, puis en Afrique du Sud où
il s'est pris de plein fouet l'apartheid, puis en Inde où il a
renoué avec la civilisation de son pays et posé les bases de son
indépendance. Je suis sûre que les plus grands hommes se
reconnaissent à cette capacité d'assumer leur propre changement
jusqu'à développer une liberté personnelle si puissante qu'elle
déplace des montagnes.
Sur le chemin du retour, on
croise nos premiers singes en liberté, assez imposantes les bêtes.
En soirée, les étudiants et
anciens étudiants de l'Institut nous concoctent une petite soirée
culturelle avec des chants et danses de leurs régions respectives, ainsi qu'une petite pièce théâtrale muette racontant comme le drapeau indien a réconcilié les religions entre elles (un peu trop nationaliste à mon goût mais, remis dans le contexte indien, je comprends).
Nous voici donc nous aussi à improviser la chansonnette. « Une
puce, un pou » les fait particulièrement rire.
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