dimanche 7 octobre 2012

Sur les traces de Gandhi à Sevagram

Dimanche après-midi, nous nous échappons du colloque pour aller à Sevagram, le dernier ashram fondé par Gandhi en 1936. A la base un ashram est un lieu communautaire, petit village, créé autour d'une personnalité, par exemple un guide spirituel (“guru”). Un des principes fondamentaux des ashrams gandhiens est l'autosuffisance alimentaire et économique : élevage de chèvres, culture de blé, riz, légumes, coton, filage et tissage. L'idée étant aussi de cultiver une vie la plus simple possible en réduisant ses besoins au maximum.

Même si quelques personnes y vivent encore, l'ashram de Sevagram s'est un peu muséifié. On peut se balader dans le village et entrer dans les habitations fabriquées avec les matériaux naturels locaux, dont l'habitation de Gandhi, une sorte de hutte. On y respire une atmosphère harmonieuse à mon sens due à un bon équilibre entre la végétation, les espaces ouverts et les bâtiments. Tous les matériaux sont naturels, évidemment ni ciment ni béton ni goudron, une terre tellement battue dans les maisonnettes qu'elle est super douce sous les pieds. L'omniprésence du bois et de la terre travaillés donnent une sorte de chaleur aux paysages et aux intérieurs. Cuisine, école, salles de réunion, lieu de prière près de l'arbre central, potager (un peu en friche après la mousson)... il semble ne rien manquer d'essentiel.
Au milieu de l'ashram broute une vache, tandis que des chauve-souris grosses comme des lapins sont suspendues dans l'arbre au-dessus de nos têtes.
Louis et Joseph en profitent pour nous donner quelques fondamentaux de la philosophie du Mahatma Gandhi (je ferai un article spécialement sur cela), qui a le grand avantage de proposer une vision holistique d'un monde idéal combiant (avec mes mots) la justice politique, la paix et la solidarité sociale, l'équilibre économique et écologique et l'épanouissement personnel et spirituel selon les grandes valeurs universelles telles que celles du fronton des mairies françaises.
Alors que nous observons les allées et venues des touristes et groupes scolaires indiens (pas de touristes étrangers ici), des bruits attirent notre attention dans la rue : une vingtaine de manifestants gandhiens (on les reconnaît à leurs vêtements blancs et slogans) font brûler sur la route des emballages symbolisant de grandes marques internationales. Ils nous expliquent que c'est pour dénoncer l'invasion des compagnies étrangères en Inde. Cette forme d'expression (fondamentalement non violente faut-il le rappeler) est directement calquée sur les manifestations organisées par Gandhi contre les produits coloniaux britanniques, qu'il faisait également brûler sur la place publique (cf ci-dessous une maquette de ces actions). Il n'y a pas plus de raisons aujourd'hui d'importer de l'étranger des produits pouvant être fabriqués en Inde, que pour les vêtements en coton il y a un siècle. Gandhi lutterait certainement aujourd'hui contre le néocolonialisme des grandes multinationales, pas si différent sur ses effets, ni sur ses motivations, que le colonialisme « old school ».
Du temps de Gandhi
...aujourd'hui
 La visite d'un petit musée consacré à Gandhi nous éclaire sur le destin de ce grand homme. Ce qui me frappe c'est à quel point il s'est transformé au fur et à mesure de ses expériences en Angleterre, puis en Afrique du Sud où il s'est pris de plein fouet l'apartheid, puis en Inde où il a renoué avec la civilisation de son pays et posé les bases de son indépendance. Je suis sûre que les plus grands hommes se reconnaissent à cette capacité d'assumer leur propre changement jusqu'à développer une liberté personnelle si puissante qu'elle déplace des montagnes.
Sur le chemin du retour, on croise nos premiers singes en liberté, assez imposantes les bêtes.
En soirée, les étudiants et anciens étudiants de l'Institut nous concoctent une petite soirée culturelle avec des chants et danses de leurs régions respectives, ainsi qu'une petite pièce théâtrale muette racontant comme le drapeau indien a réconcilié les religions entre elles (un peu trop nationaliste à mon goût mais, remis dans le contexte indien, je comprends). Nous voici donc nous aussi à improviser la chansonnette. « Une puce, un pou » les fait particulièrement rire.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire