L'Institut d'études gandhiennes est une structure de théoriciens de la pensée gandhienne, leur action est à 10 000 lieues de l'activisme d'Ekta Parishad, mais ils essayent de mettre en pratique certains préceptes de vie communautaire, d'écologie et d'autosuffisance inspirés de Gandhi. Le rythme de l'Institut inclut des temps de tâches collectives (peluche de légumes, ménage), ainsi qu'une demi-heure de filage du coton par jour. Le directeur nous garantit en nous montrant sa chemise que cela suffit pour sa propre production d'habit.
L'Institut expérimente le biogaz, les panneaux solaires (autosuffisance totale prévue dans 5 ans), le compost, la récupération des eaux usées (pas de service d'assainissement ici). Beaucoup d'étudiants viennent de la ville pour se former à ces techniques. Ils ont tenté l'agriculture biologique mais « cela va prendre du temps » (il faut dire que les terrains sont déjà bien abîmés par la pollution ici). Un panneau à l'entrée : « ici pas de plastique ». Un autre au-dessus des éviers « le gaspillage est une violence ». A côté de cela, ils utilisent des boules de naphtaline partout et des produits chimiques anti-moustiques : ici comme chez nous, difficile d'être complètement cohérent sur le terrain de l'écologie.
J'ai pris le rythme de
l'Institut : au lever, je vais à la prière collective de
l'institut. C'est une sorte de prière universelle, où l'on récite
simplement quelques morceaux de textes sacrés de différentes
religions en diverses langues, traductions en anglais à l'appui.
Au-delà de la symbolique réconciliatrice véritablement séduisante
(les étudiants de l'Institut sont majoritairement hindous et
chrétiens), très gandhienne, les textes sont enchaînés les uns
après les autres dans une espèce de soupe monocorde. La Fatiha par
exemple, prière principale en islam, est transcrite très
approximativement et récitée sans les intonation et rythme de la
règle musulmane.
Nous nous rendons à Paunar, lieu de vie et d'incinération de Vinoba Dhav. Cette personne est une des plus importantes de l'héritage de Gandhi dont il a été le bras droit aux plans de la spiritualité, de la justice et de l'action non violente. Grand érudit, il parlait 23 langues. Son slogan « H2O » signifiait « deux fois plus de méditation que d'action ». A croire que c'est un principe d'investissement car d'action, il n'en manquait pas ! Pendant 14 ans, il a marché dans toute l'Inde pour le « bhoodan » (« don de la terre ») : chaque soir, il s'arrêtait dans un village et demandait à la famille qui l'accueillait de le considérer comme son dernier fils et de lui donner un morceau de terre (« la part du pauvre »). Il a ainsi collecté des milliers d'acres qu'il a redistribué aux pauvres de chaque village. Malheureusement dans la plupart des cas, cette action n'étant pas suivie d'actes notariés, les terres ont ensuite été récupérées par leurs propriétaires. Néanmoins ce mouvement a vraiment été très porteur dans la société indienne dans les années 50 en permettant une vraie prise de conscience du problème des paysans sans terre.
Nous nous rendons à Paunar, lieu de vie et d'incinération de Vinoba Dhav. Cette personne est une des plus importantes de l'héritage de Gandhi dont il a été le bras droit aux plans de la spiritualité, de la justice et de l'action non violente. Grand érudit, il parlait 23 langues. Son slogan « H2O » signifiait « deux fois plus de méditation que d'action ». A croire que c'est un principe d'investissement car d'action, il n'en manquait pas ! Pendant 14 ans, il a marché dans toute l'Inde pour le « bhoodan » (« don de la terre ») : chaque soir, il s'arrêtait dans un village et demandait à la famille qui l'accueillait de le considérer comme son dernier fils et de lui donner un morceau de terre (« la part du pauvre »). Il a ainsi collecté des milliers d'acres qu'il a redistribué aux pauvres de chaque village. Malheureusement dans la plupart des cas, cette action n'étant pas suivie d'actes notariés, les terres ont ensuite été récupérées par leurs propriétaires. Néanmoins ce mouvement a vraiment été très porteur dans la société indienne dans les années 50 en permettant une vraie prise de conscience du problème des paysans sans terre.
Nous visitons un monastère pour
femmes hindoues, innovation établie sur le modèle des Bénédictines
afin de permettre aux femmes de prendre en main leur propre vie, ce
qui était révolutionnaire dans la société traditionnelle indienne
(Vinoba était séduit par le christianisme des monastères). Elles
sont encore aujourd'hui 23 moniales, dont quelques Japonaises. L'une
d'elles nous dit avoir fait le boodhan avec Vinoba, « sans
chaussures ni argent ». On peut d'ailleurs y voir des
représentations de Jésus berger, ainsi que des symboles d'autres
religions. Le temple couleur bleu ciel domine un fleuve où sont
érigés deux monuments renfermant les cendres de Vinoba et une part
de celles de Gandhi. Nous sommes après la mousson, le fleuve est
donc alimenté et cela donne une fraîcheur très agréable au lieu.
C'est aussi à la fois le lieu de dépôt des ordures et celui où
les femmes lavent leur linge.
« Nous
ne sommes exclusivement attachés à aucun pays.
Nous ne mettons spécialement l'accent sur aucune religion.
Nous ne sommes liés à aucune communauté ni caste.
Établir la connaissance de diverses spécialités et développer une attitude au monde est notre discipline de pensée. » Vinoba
Nous ne mettons spécialement l'accent sur aucune religion.
Nous ne sommes liés à aucune communauté ni caste.
Établir la connaissance de diverses spécialités et développer une attitude au monde est notre discipline de pensée. » Vinoba
Dans l'après-midi nous visitons
le Centre de Science des Villages, un centre de ressources visant à
collecter, préciser et diffuser différentes techniques à usages
relativement simples et peu coûteux concernant l'agriculture, le
bâtiment, la transformation des aliments, l'agroforesterie, la
pharmaculture... Il a été construit il y a 40 ans sur demande de
Gandhi qui voulait promouvoir les techniques villageoises. C'est
ainsi qu'ils ont développé pas moins de 40 produits d'exploitation
de l'hibiscus, de la corde au sirop en passant par du papier. Sur le
plan agricole, ils encouragent la refertilisation des terres par la
diversité, notamment la coexistence d'arbres, arbustes et cultures
au sol sur un même terrain. Les constructions de bâtiments se font
selon des techniques locales ingénieuses, pour moins de 500 Roupies
(7€) par m² avec des briques cuites seulement d'un côté, un toit
voûté fait de cylindres d'argile imbriqués les uns dans les
autres et des mosaïques sur le toit pour réfléchir la lumière.
En matériaux locaux bien sûr.
La discussion avec le directeur
est très instructive. Il dénonce vigoureusement la monoculture et
le dumping des produits de l'étranger qui empêchent le
développement des intelligences locales et des capacités de
production et de créativité des gens. Pour lui, l'économie rurale
est ce qui donne de "la force aux villages". Mais pour la développer
il faut aller à contre-courant de la mondialisation. Quand on voit
l'immense diversité de ce qui pousse ici, c'est effrayant de savoir
que 60% des cultures sont du soja. OGM par dessus le marché, et
destiné à l'exportation évidemment, pour la production d'huile
uniquement alors que le soja pourrait nourrir des gens ici. Ces
monocultures appauvrissent le sol et quand certaines récoltes se
font à perte, c'est l'endettement assuré. Résultat :
plusieurs milliers de paysans se sont suicidés ces dernières années
rien que dans la province de Wardha.
J'ai la chance de voyager avec un groupe de gens très informés sur toutes ces questions, nos discussions sont donc très riches, mais parfois très déprimantes. J'apprends ainsi comment le riz OGM (importé !) consommé dans le Kérala engendrerait entre autres facteurs la stérilité de 80% des couples, comment les papayes également OGM dans le Sud (sans pépins et à croissance hyper rapide) seraient à l'origine de l'apparition des règles chez des petites filles de 2 ans, comment des déchets nucléaires sont recyclés en engrais vendus à bas prix aux paysans, etc.
J'ai la chance de voyager avec un groupe de gens très informés sur toutes ces questions, nos discussions sont donc très riches, mais parfois très déprimantes. J'apprends ainsi comment le riz OGM (importé !) consommé dans le Kérala engendrerait entre autres facteurs la stérilité de 80% des couples, comment les papayes également OGM dans le Sud (sans pépins et à croissance hyper rapide) seraient à l'origine de l'apparition des règles chez des petites filles de 2 ans, comment des déchets nucléaires sont recyclés en engrais vendus à bas prix aux paysans, etc.
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